Interview du Docteur Charles Aisenberg : Le Médecin du pôle athlétisme de l’INSEP nous explique comment éviter les blessures en course à pied


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L’interview au format vidéo :

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Docteur Charles Aisenberg

  • Médecin du sport et Mésothérapeuthe à l’INSEP
  • Médecin du pôle Athlétisme de l’INSEP
  • Médecin des équipes de France de Squash
  • Médecin des équipes de France de Lutte
  • Médecin responsable du suivi des sportifs de haut niveau pour les fédération de lutte et de squash

Transcription texte de l’interview audio :

Maxence Rigottier : Bonjour à tous, c’est Maxence Rigottier du blog course à pied. Aujourd’hui, je suis avec le docteur Charles Aisenberg. Pour toutes les personnes qui ne connaissent pas Charles Aisenberg, c’est le médecin du pôle athlétisme de l’INSEP et également médecin des équipes de France de squash, de lutte, etc. Je vais laisser le docteur Charles Aisenberg se présenter et ensuite lui poser quelques questions par rapport à toutes les interrogations que l’on peut avoir si l’on souhaite reprendre la course à pied ou par rapport à la carrière de sportif que l’on souhaite faire dans la course à pied. Bonjour Charles.

Charles Aisenberg : Bonjour. Je pense que tu as dit à peu près tout ce qu’il y avait à dire sur moi. Mis à part que je suis médecin du sport à l’INSEP et je suis les équipes de France. J’ai également une activité libérale de médecine du sport où je vois des patients de moins haut niveau, mais qui parfois se font autant, voire plus mal que les professionnels.

Maxence Rigottier : Quels conseils pourrais-tu donner à toutes les personnes qui souhaitent reprendre le sport après 40 ou 50 ans, puisque je reçois souvent des e-mails par rapport à ça, et du coup, quels sont les conseils indispensables à leur donner, et pour toutes les personnes qui ont eu des grands moments d’inactivité par le passé et qui souhaitent reprendre le sport après 40 ou 50 ans ?

Charles Aisenberg : Dans un premier temps, c’est d’abord les féliciter car c’est une très bonne idée. Il faut savoir que pour votre cœur c’est la meilleure chose que vous pouvez faire de reprendre le sport. Aujourd’hui nous avons des études qui nous montrent que l’activité sportive physique régulière est plus efficace pour protéger votre cœur que tous les médicaments que nous avons à notre disposition en tant que médecins. Donc, d’abord, c’est une très bonne chose de se remettre au sport.

Ensuite, avec les personnes qui commencent ou recommencent le sport à 50 ans, c’est surtout ça qu’il faut différencier, c’est ceux qui ont derrière eux un passé sportif avec l’habitude d’avoir une activité sportive qui vont nous poser souvent plus de problèmes et les gens qui n’ont jamais fait de sport qui en général se passent plutôt mieux. C’est-à-dire que souvent les problèmes que nous rencontrons en médecine du sport chez les patients qui se remettent au sport à cet âge-là, c’est, s’ils ont un passé de sportif, ils vont vouloir reprendre très vite au même rythme qu’ils avaient avant, et c’est là qu’il va y avoir des blessures parce que le corps aura vieilli, il n’aura pas été entretenu entre une ou deux décennies et il y a un temps d’adaptation, un temps ré habitation à l’effort qu’il faut accorder au corps. Donc c’est une très bonne chose de reprendre.

Ensuite, ça va être en gros les mêmes conseils qu’aux « jeunes sportifs », c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un effort progressif avec une intensité qui monte, et sans vouloir brûler les étapes. Par rapport à des patients plus jeunes qui seraient dans la vingtaine, trentaine, il faut surtout faire attention aux tendons parce que le risque c’est les tendinites, les déchirures, les différentes blessures musculaires, mais surtout les tendinites, les tendons étant plus raides, se déshydratant plus rapidement à 50 ans qu’à 20 ans, les efforts répétitifs du type course à pied vont poser des problèmes à ce niveau-là.

Maxence Rigottier : Clairement, il faut reprendre mais tout en douceur au départ et écouter son corps.

Charles Aisenberg : C’est ça. C’est-à-dire qu’il faut vraiment ne pas brûler les étapes. Quand ils reprennent le sport à 40 ou 50 ans, en général ce n’est pas pour devenir champion du monde du 100 m. Il n’y a pas de précipitation à avoir. Le pire pour quelqu’un qui commence le sport, à 40/50 ans, ça va être de se blesser au début, et ça va lui enlever l’envie de recommencer. Il faut vraiment y aller progressivement, si possible encadré, soit par un coach réel, soit par un coach virtuel. Aujourd’hui, on trouve sur internet pleins de conseils pour le début de la course. Toi-même, je pense sur le blog, tu peux donner des conseils. C’est une très bonne chose. Mais il faut y aller progressivement, faire attention, ne pas sauter les étapes d’échauffement avant, d’étirement après, il faut bien s’hydrater pendant la séance, et sur ces quelques précautions, ça va bien se passer.

 Maxence Rigottier : Es-tu pour faire des étirements après une petite séance de course à pied ou c’est plus en fonction de chacun ?

Charles Aisenberg : A 50 ans, à partir du moment où ils vont cavaler plus de 20 minutes, il va falloir faire des étirements. Autant à 20 ans, dans tous les sports, quand tu es sur un terrain de foot, les joueurs mettent les crampons, font un tour de terrain et puis y vont, autant à 50 ans il faut faire attention à son corps, il faut faire attention à ses tendons, pour ne pas se blesser. Ce sera des micro blessures, de la micro traumatologie, mais ça t’empêchera de continuer. Donc oui, à partir du moment où il y aura 20 – 30 minutes de course à pied, il y aura une phase d’étirement à avoir après. Plus la séance va être longue, plus l’étirement doit être systématique sur chaque chaîne musculaire. Sur la course à pied, c’est quand même assez rapide, puisque en gros on étire que les membres inférieurs et surtout les chaînes postérieures. Par contre, il faudra le faire systématiquement.

Maxence Rigottier : Combien d’heures, en moyenne, un sportif doit dormir par nuit pour récupérer un maximum de la fatigue et des efforts ? Et combien d’heures, en moyenne, un non-sportif doit dormir par nuit ? Ceci afin de voir la différence entre un sportif et un non sportif.

Charles Aisenberg : Là, on est plus dans le même cadre. C’est-à-dire que, pour que la notion de sommeil devienne importante, il faut que ça soit des sportifs qui font du sport quotidiennement et qui font en gros au moins 7/8 heures de sport par semaine, où là le sommeil peut avoir une importance.

 Pour quelqu’un qui va courir 2 x 1 heure dans la semaine, le sommeil n’a pas d’incidence directe ni sur ses capacités, ni sur ses résultats.

Chez les sportifs qui sont plus sur l’entrainement de longues distances ou de très longues distances, effectivement le sommeil va avoir une importance, et surtout la récupération musculaire. On aura plus tendance à faire attention sur la récupération au cours de la semaine, avec une variation des séances d’entrainement et avec des jours de repos, ou au moins une journée de repos dans la semaine, que vraiment à proprement parler de sommeil.

Ensuite, comme pour tout le monde, mais variable d’une personne à l’autre, il faut 6/8 heures de sommeil par nuit, ce qui est une bonne moyenne. Certaines personnes auront besoin de 10 heures et d’autres à 5 heures vont être bien. C’est plus sur le temps de récupération qu’on va insister dans le suivi des sportifs qu’à proprement parler sur le temps de sommeil.

Maxence Rigottier : Pour résumer, jamais en dessous de 6 heures, sinon c’est suicidaire.

Charles Aisenberg : Cela va dépendre de ta charge d’entrainement. Si tu prépares un ultra-trail et que tu aies 10/15 heures d’entrainement dans la semaine, dormir moins de 6 heures par nuit va être très difficile. Si tu prépares un 10 km et que tu coures tranquillement 2/3 fois par semaine, les heures de sommeil ne vont pas poser de problème, sauf si effectivement tu dors moins de 5 heures par nuit, où là tu vas être fatigué. Et avec la fatigue augmente le risque de blessure.

Maxence Rigottier : En fonction du type de séance et du type de compétition que l’on va effectuer le temps de sommeil est plus ou moins important.

Charles Aisenberg : Tout à fait. Moins important que le temps de récupération.

 Maxence Rigottier : Et quand tu dis « temps de récupération », c’est-à-dire le délai entre chaque entrainement ?

Charles Aisenberg : C’est le délai entre chaque entrainement, les jours de repos, la variation d’effort, la récupération que tu fais après l’effort, notamment sur du fractionné ou notamment sur une sortie très longue, où il va falloir accorder, à ton corps et à tes muscles, un temps de récupération. Là-dessus, on va avoir un risque de blessure plus important chez quelqu’un qui enchaine les séances sans se reposer que chez quelqu’un qui va dormir un petit peu moins pendant une semaine.

Maxence Rigottier : Egalement, lorsque l’on pratique beaucoup la course à pied, on a également soit des crampes ou soit des courbatures. Y a-t-il des exercices ou une hygiène de vie à adopter pour éviter les crampes et les courbatures ?

Charles Aisenberg : Ce sont deux choses différentes. Les crampes en général ce sont les muscles qui se tétanisent, et dans la course à pied c’est lié à un manque d’hydratation. On a très souvent ça sur des sorties assez longues où la personne ne boit pas. Il faut savoir vraiment qu’en effort, et spécifiquement la course à pied, il faut boire régulièrement. Il ne faut pas attendre d’avoir soif pour commencer à boire. Sur des sorties longues, il faut à partir, ça dépend des personnes et des conditions, bien évidement, sur des sorties longues, on va dire parisienne, à 20°C, sans grand soleil, sans grande pluie ou autre, il faut au bout de 20 minutes commencer à s’hydrater. En tout cas, sur une sortie qui dure plus de 40 minutes, il faut absolument, pendant la course, trouver le moment de boire un petit peu. En-dessous de 40 minutes, on peut boire avant et après la course. Cela doit pouvoir suffire si ce n’est pas une séance qui est très intense.

Les courbatures, c’est une production d’acide lactique au niveau des muscles qui va être relarguée après la séance. C’est un problème essentiellement d’entrainement et d’étirement après les séances.

Autant les crampes se gèrent un peu en amont, et pendant la séance. Autant les courbatures se gèrent à la fin, avec des étirements qui vont permettre de relâcher tranquillement toutes les chaînes musculaires et puis avec tout simplement l’entrainement où, en tout cas pour les débutants, les courbatures, d’une séance sur l’autre vont être de moins en moins importantes.

Sur des sorties longues, sur des efforts très intenses, il y aura des courbatures après.

Maxence Rigottier : Je rebondis sur tes propos, combien de litres d’eau un sportif doit-il boire par jour pour éviter les crampes ou même être hydraté à 100 % ?

Charles Aisenberg : Encore une fois, cela dépend de ton activité sportive.

Maxence Rigottier : On va prendre l’exemple pour un 10 km et pour un marathon.

Charles Aisenberg : De base tous les jours, il faut boire entre 1 litre et 1,5 litre. Ce n’est pas forcément de l’eau, mais du liquide. Dedans rentrent le thé, le café, la soupe, les jus d’orange, enfin tous les liquides qui vont permettre de faire fonctionner le système rénal et donc d’aller uriner. Et après, cette hydratation doit augmenter lors des entrainements et lors de la course afin de compenser les pertes que tu vas avoir en transpiration. C’est un calcul tout simple d’entrée et de sortie, et ça va dépendre beaucoup du système de transpiration de chacun. Certaines personnes vont être capables de courir presque une demi-heure sans transpirer, alors que d’autres vont transpirer dès le début de leur activité physique. Ce qui fait qu’avec l’entrainement, plus les gens ont l’habitude de courir en général, plus leur système de sudation commence tôt à travailler car c’est un système qui permet de réguler la température du corps à l’effort. Plus les gens sont entrainés, plus ils vont se mettre à transpirer tôt, donc ils vont plus avoir besoin de boire.
Sur un 10 km, on va retrouver une course qui va être somme toute assez courte, où on va dire qu’en moyenne on va être autour d’une heure, évidement certains vont vouloir le faire en moins de 38 minutes, d’autres vont vouloir le faire en 1h30/2h, mais on va être autour d’une heure de course. Sur une heure de course, il faut bien s’hydrater avant, et sur la course, je pense qu’en ayant un bidon sur soi, on doit être bien à faire un bidon, ou alors s’il y a des stands d’hydratation, ça va correspondre à 2/3 verres. Mais encore une fois, c’est vraiment très variable des personnes, et certaines personnes sur un 10 km vont perdre 2 litres de transpiration et d’autres quasiment pas.

Je me permets juste une petite digression sur les boissons où il faut faire attention à ce qu’on boira. Certains coureurs, notamment ceux qui n’ont pas vraiment l’habitude, ont tendance à boire de l’eau à l’effort, ce qui sur une petite distance ne pose pas de problème. À partir du moment où on va courir 1h30/2h, il ne faut pas s’hydrater avec de l’eau car cela pose des problèmes de crampes, de déshydratation. Soit il y a des boissons toutes prêtes dans le commerce, de réhydratation d’effort, soit on peut les faire assez facilement typiquement avec du jus de raisin qu’on coupe à 50 % d’eau et dans lequel on met une petite pincée de sel, ce qui nous apporte tout ce qu’il faut.

Maxence Rigottier : Il faut se créer une petite boisson énergétique si on court un marathon.


Charles Aisenberg : Pour le marathon c’est obligatoire. Là j’étais plus dans mon idée du 10 km, où si tu cavales en 45 minutes, il ne va pas y avoir un manque d’eau important, ce n’est pas bien grave. Par contre, si c’est ton 1er 10 km et qu’on part plutôt sur 1h15/1h20, là effectivement l’eau seule peut commencer à poser un problème.

Par contre, sur un marathon, c’est évident qu’il ne faut absolument pas s’hydrater avec de l’eau, parce que sinon il va y avoir une perte de sel importante et il peut y avoir des soucis, des coups de chaud qui sont des problèmes de déshydratation, de perte de sodium, où on aura beaucoup de mal, voir impossibilité de finir le marathon.

Maxence Rigottier : En tout cas, personnellement, je suis le mauvais élève puisque je n’ai jamais bu une seule fois dans ma vie au cours d’un 10 km. Je cours environ en 38/39 minutes, mais je m’hydrate extrêmement bien juste après la course puisqu’on a quand même besoin de s’hydrater et puis surtout absolument ne pas se blesser.

Charles Aisenberg : Et encore une fois, ce que je disais au tout début, c’est de se dire qu’à moins de 40 minutes de course tu peux t’hydrater avant/après. En sachant que j’imagine quand même que tes 38 ou 39 minutes tu les fais très rapidement, et c’est vrai qu’une petite ingurgitation d’eau ou de liquide serait pas mal pendant la course. Mais encore une fois, sur une courte durée, l’hydratation avant/après peut suffire.

Maxence Rigottier : C’est exactement çà. Je m’hydrate juste avant et juste après. Et pour le 10 km ça suffit pour ma part.

Charles Aisenberg : Je suis d’accord avec toi.

Maxence Rigottier : Malheureusement, lorsque l’on pratique la course à pied il y a de grandes chances que l’on ait au moins une blessure au cours de sa vie de coureur, et je voulais que tu nous dises un petit peu combien de jours de repos doit-on faire après soit un claquage, une élongation, ou une déchirure ? Quelle est « la période type de repos » après ces 3 types de blessure ?

Charles Aisenberg : C’est en gros la même blessure mais à 3 stades différents.

Le 1er stade étant l’élongation où tu as les fibres musculaires qui ont été un petit peu abimées mais restent continues. Tu as après la déchirure où un certain nombre de fibres musculaires au sein du muscle sont déchirées. Et tu as le claquage où tu as tout un groupe musculaire qui lui est déchiré, et donc avec un muscle qui se rétracte. C’est assez variable. On va dire que l’élongation doit pouvoir passe en une dizaine/quinzaine de jour, alors que sur le claquage à l’autre extrémité de la chaîne, on sera plutôt sur du 4 à 6 semaines. Ensuite, ce qu’il faut savoir c’est que les coureurs sont les plus mauvais élèves des médecins du sport. Je le dis sans aucune honte. Il faut le savoir. Vous êtes vraiment les plus mauvais et qu’en général, vous êtes addict à la course à pied, et qu’on a beaucoup de mal à vous faire arrêter le temps nécessaire. On essaye de discuter avec vous, de monnayer un délai minimum, d’y adjoindre des soins de récupération avec un petit peu de massages pour essayer de diriger la guérison, et on essaye éventuellement de raccourcir ce délai. On va dire que chez monsieur tout le monde qui s’entraine seul, il faut partir sur cette idée qui est une douleur musculaire survenant à l’effort, il faut se laisser au moins une semaine avant de recourir derrière. Et si la douleur persiste, si même sans effort dans la vie quotidienne on est gêné, à ce moment-là, je conseillerais d’aller voir un médecin, de faire éventuellement une échographie, de voir un peu le stade de la lésion et de voir combien de temps il faut s’arrêter. Ça évidemment chez les gens qui veulent absolument recommencer à courir, si vous courez de temps en temps le dimanche ½ heure/1 heure et que vous avez ce genre de blessure, pas la peine de faire d’examens, vous laissez passer 1/2/3 semaines et vous voyez ce que ça donne.

Pour fixer l’esprit, on va dire élongation, une dizaine/quinzaine de jours, et un claquage musculaire on est plutôt sur 1 mois/1 mois et demi.

Maxence Rigottier : Et déchirure, c’est le « même topo » ou c’est encore une autre distinction ?

Charles Aisenberg : C’est entre les deux. Si tu imagines un peu un schéma de muscles, où tu as un muscle et dans les muscles tu as des faisceaux musculaires qui sont en fait des petits muscles entourés d’une membrane qui eux même forment le muscle, et à l’intérieur de ces petits faisceaux, tu as les fibres musculaires qui font la même chose, donc c’est un peu les poupées gigognes qui s’encastrent les unes dans les autres. Donc en fait, l’élongation c’est la plus petite unité qui est atteinte, donc ce n’est pas bien grave parce que tu as beaucoup de muscles autour pour te protéger, la déchirure c’est l’unité supérieure qui est atteinte, donc c’est le faisceau musculaire qui est abimé, c’est gênant mais tu as encore plein de faisceaux musculaires autour, et ensuite le claquage à ce moment-là c’est la grosse unité musculaire qui est abimée, voire parfois tout le muscle. Parfois tu peux te claquer un jumeau ou un autre muscle dans la course à pied, et dans ce cas la lésion est beaucoup plus longue à guérir.

Maxence Rigottier : Pour résumer les blessures du moins grave au plus grave, c’est :

1. élongation, 2. déchirure, 3. claquage.

Charles Aisenberg : Oui.

Maxence Rigottier : En tant que médecin, quelles sont les différentes blessures que les coureurs ont régulièrement lorsqu’ils pratiquent la course à pied ? Et comment éviter ces blessures-là ?

Charles Aisenberg : ça dépend beaucoup du type de coureur. Le débutant de 50 ans ne va pas avoir les mêmes blessures que le coureur habituel de 25 ans qui s’entraine pour de l’ultra-trail. Ça ne va pas être la même chose. Le plus fréquent, toutes catégories confondues, ça va être les tendinites parce qu’il va y avoir une sollicitation répétée, fréquente du même tendon et c’est ça qui va poser problème. Comme je disais, chez les coureurs qui sont un peu addict et qui ont du mal à s’arrêter, souvent ils vont négliger ou essayer d’ignorer les petites douleurs et recourir dessus. Donc effectivement le tendon d’Achille, ce qu’on appelle le syndrome de l’essuie-glace qui est une inflammation au niveau de la partie externe du genou, d’un muscle qui s’appelle le tenseur de fascia lata, ce sont des choses qui sont très fréquentes.

 Après sur du fractionné, sur des choses un petit peu plus violentes, on peut avoir des macros traumatismes, type déchirures ou claquages. Et après, chez les gens qui courent vraiment beaucoup, on peut avoir des fractures de fatigue qui apparaissent, en général il faut vraiment une grosse charge d’entrainement.

Maxence Rigottier : OK. Trois types de blessure c’est…

Charles Aisenberg : En fait, il y en a deux. Les deux types de blessure c’est ce qu’on différencie en médecine du sport dans le micro traumatisme où ce n’est pas cassé, où tu as les élongations, les tendinites, les choses comme ça, et le macro traumatisme où là la structure du corps a été modifiée, où il y a eu une fracture, où il y a eu un claquage, donc là la prise en charge est plus longue et où c’est plus douloureux.

Maxence Rigottier : J’ai souvent des amis qui ont ce problème de l’essuie-glace. Comment arriver à l’éviter ? Faut-il avoir absolument des semelles orthopédiques et ensuite logiquement ça passe ? Comment peut-on éviter ce type de blessure ?

Charles Aisenberg : Effectivement, c’est très souvent un problème de chausson. En fait, en médecine du sport, quand on a des soucis d’inflammation sur certaines zones, le traitement va essayer de trouver de quelle manière on va pouvoir prévenir justement ce frottement à cet endroit-là. Et c’est vrai que sur le syndrome de l’essuie-glace, ce qui se passe c’est que le tendon du TFL, qui est le tenseur du fascia lata, va venir frotter sur la partie externe du fémur et à chaque fois où vous allez plier la jambe latente, c’est un peu comme en escalade la corde qui va venir frotter sur l’arrête du rocher. La seule manière de régler ça (la seule, je suis un peu excessif), on va dire la manière la plus facile de régler ça, ça va être de changer l’appui au niveau du sol pour permettre d’effacer le relief osseux, et donc en fait de vous mettre en position de supination au niveau du pied pour effacer le relief, pour l’absorber vers l’intérieur.

Le plus facile souvent étant de prendre des chaussures pour pronateurs qui vont être supinatrices, qui vont vous mettre le pied le plus vraiment posé au sol et le petit orteil surélevé. Mais parfois ça ne suffit pas, et parfois c’est un problème de pied qui part sur le côté à la course, et à ce moment-là effectivement, le fait de confectionner des semelles orthopédiques va permettre en modifiant vos appuis au sol de redresser votre pas.

La question des semelles orthopédiques systématiques chez les coureurs est une question qui revient assez régulièrement. J’aurais tendance à dire assez régulièrement oui. Je pense notamment si vous faites de très longues sorties très fréquentes, qu’il faut vraiment que vous soyez réglé comme une mécanique de Ferrari, il faut vraiment qu’il n’y ait pas de petits frottements, ni en interne, ni en externe, ni devant, ni derrière, et dans ce cas, aucune chaussure du marché va pouvoir s’adapter complètement à votre pied. Alors maintenant, il y a des coureurs qui courent tous les jours, qui courent 10 heures par semaine et qui n’ont pas de semelles et pour qui ça se passe très bien, et c’est très bien, mais si vous vous mettez à faire de la course à pied, je pense que c’est un bon investissement d’aller voir un podologue et de faire des semelles orthopédiques.

Maxence Rigottier : En gros, il faut quasiment se faire des chaussures sur mesure avec des semelles orthopédiques pour être sûr de régler son problème.

Charles Aisenberg : C’est ça. Je conseille souvent à mes patients qui s’y mettent, alors encore une fois pas ceux qui vont courir une demi-heure par semaine, mais ceux qui s’y mettent vraiment, de prendre des chaussures neutres et d’aller voir un podologue du sport qui connaisse bien la problématique de la course à pied et de faire des semelles adaptées à leurs pieds.

 Maxence Rigottier : Du coup, vu que tu vois énormément d’athlètes de haut niveau, ils ont les mêmes types de blessure ? Par exemple toutes les personnes qui font du squash ou de la lutte, ou les athlètes également du pôle athlétisme de l’INSEP, ont-ils exactement le même type de blessures que les coureurs de course à pied ou ont-ils des blessures différentes ?

Charles Aisenberg : Ils ont les mêmes types de blessures. On ne peut pas mélanger tous les sports parce que la problématique est différente à la lutte et à la course à pied.

Maxence Rigottier : On va prendre juste l’athlétisme.

Charles Aisenberg : On va avoir à peu près les mêmes blessures, en sachant que d’un côté nous avons des gens qui font beaucoup plus de sport que monsieur tout le monde, mais que d’un autre côté, ce sont des gens qui connaissent leur corps, qui sont très à l’écoute de leurs corps et qui ne vont pas ou très rarement continuer à s’entrainer si jamais ils suspectent une blessure, et ça c’est la différence fondamentale avec les gens que je vois en médecine de ville qui eux souvent vont insister malgré une petite blessure et transformer une microlésion en macrolésion qui va être beaucoup plus gênante. Et la deuxième chose c’est que les sportifs de haut niveau vont avoir un entrainement varié, général, qui va leur permettre justement de varier leur entrainement au cours de la semaine, et de ne pas solliciter continuellement les mêmes masses musculaires, et donc ils vont (ce qu’on disait tout à l’heure) laisser un temps de repos et de récupération aux muscles. Et ça, c’est vraiment fondamental à partir du moment où on veut s’entrainer régulièrement, faire des temps, et c’est surtout ne pas se blesser qui est quand même essentiel, ça va être de modifier l’entrainement et d’avoir un entrainement qui de temps en temps est un petit peu général et de temps en temps est spécifique aux gestes sportifs.

Maxence Rigottier : L’immense avantage qu’a un athlète de haut niveau par rapport à un athlète lambda c’est tout simplement de connaître parfaitement son corps.

Charles Aisenberg : Oui. Alors d’un autre côté, il y a des patients qui peuvent connaître leur corps et surtout s’écouter. L’immense avantage c’est qu’ils ont un encadrement qui est très bien fait, et on leur apprend, ils ont appris au cours de leur carrière, comment s’entraîner. Et c’est vrai que souvent, notamment dans la course à pied, on le voit à chaque fois qu’il fait beau tous les ans, les gens prennent leurs chaussures de sport et descendent et vont courir. Encore une fois, quand ça reste une demi-heure, une heure une fois par semaine, souvent ils ne se blessent pas, ça ne pose pas de problèmes, quand par contre, ils essayent de se mettre avec les collègues pour rejoindre une course ils en font 2/3 mois, ça semble tout à fait anarchique comme encadrement, sans aucune préparation, sans vraiment savoir ce qu’ils font. C’est là en général qu’on a des blessures.

Maxence Rigottier : C’est d’aller une nouvelle fois progressivement et petit à petit, étape par étape, au lieu d’avoir « les yeux plus gros que le ventre » et de se dire d’un coup, je passe de 0 à 4 entrainements par semaine alors que je n’ai pas couru depuis 6 mois.

Charles Aisenberg : à 5 entrainements par semaine, ça va être dur.

Maxence Rigottier : L’idéal c’est d’écouter son corps et de ne pas s’entrainer 4 à 5 fois par semaine subitement alors que l’on n’a pas couru depuis 6 mois.

Charles Aisenberg : C’est exactement ça. Et encore, 6 mois, je trouve que tu es gentil. Parfois les gens se mettent à faire ça après 5/10 ans sans avoir fait de sport, tout simplement parce qu’ils se retrouvent embarqués dans une course par des collègues ou des copains, et puis chez quelqu’un qui n’a pas fait de sport depuis longtemps, on va se retrouver avec une personne qui va vouloir enchainer 3/4 sorties par semaine, et en général c’est là qu’il y a les blessures. Ça recoupe un petit peu ce que nous disions sur la 1ère question, qui est quand la personne de 40 ans se remet à faire du sport alors qu’elle a justement fait du sport à grande quantité plus tôt, c’est là où il y a les blessures. Quelqu’un de 40 ans qui n’a jamais fait de sport va rarement se laisser embarquer sur 4 sorties par semaine sans rien dire. Ça va être plus progressif. Et on est moins embêtés par les gens qui vont débuter vraiment le sport parce qu’ils vont faire attention que par les gens qui pensent pouvoir récupérer tout de suite leur rythme et qui eux vont forcer et vont se blesser.

Maxence Rigottier : D’accord. L’idéal c’est une nouvelle fois de reprendre progressivement et de ne pas « brûler les étapes ».


Charles Aisenberg : Oui c’est ça. Et puis progressivement, ça ne veut pas dire forcément sur 6 mois, ça peut être sur quelques semaines, mais par contre, il faut effectivement faire attention à s’échauffer, à s’étirer, à s’hydrater, à se laisser des temps de repos, à écouter son corps. Si jamais il y a une zone douloureuse qui commence pendant l’effort ou à la fin de l’effort et qui ne disparait pas tout de suite à l’arrêt de l’effort, faire attention et ne pas dire que ça peut disparaitre sur la fois suivante. Simplement de faire attention, être attentif.

Maxence Rigottier : D’accord. Je vais finir cette interview par une dernière question : quelle est l’alimentation conseillée avant une compétition sportive ? On va prendre 3 exemples : le 10 km, le semi-marathon et le marathon. Y a-t-il des grosses différences ? Quelle est l’alimentation conseillée le jour même et quelques jours avant chacune de ces disciplines ?


Charles Aisenberg : Oui il y a une grosse différence. C’est-à-dire qu’on ne va pas puiser dans ses réserves de la même manière sur un 10 km et sur un marathon. Plus que la distance, c’est le temps de course qui va être important parce qu’il y a des gens qui vont courir le semi plus rapidement que le 10 km et de la même manière sur le marathon, ce n’est pas la même chose si on le fait en 2h30 ou si on le fait en 5 heures.

Le gros problème étant chez les jeunes gens qui font le marathon en 4h30 où c’est là vraiment qu’on va puiser dans les réserves. Dans les jours avant : l’hydratation vraiment. Encore une fois, il ne doit pas y avoir de dette hydrique, un manque d’eau au début de la course. C’est vraiment fondamental, il faut être bien hydraté au début de la course. Ensuite, il faut un apport régulier dans les différents nutriments, il faut un apport régulier en glucides, lipides, protéines, dans les jours avant la course pour vraiment ne pas, encore une fois comme pour l’hydratation, ne pas être en manque au moment où on attaque la course. Et puis, sur le marathon parce que typiquement c’est l’exemple qu’on utilise pour l’alimentation, il doit y avoir un apport de sucres lents important. Il faut qu’il y ait un apport. Typiquement ce sont les pâtes que l’on mange la veille ou les 2 jours avant la course pour avoir un apport de sucres lents. Puisqu’au bout d’un certain moment sur la course, vous allez épuiser toutes vos réserves circulantes de sucre et vous allez commencer à attaquer les stocks. Donc vous allez commencer à retransformer vos réserves de sucre et de graisse pour pouvoir les utiliser, pour pouvoir continuer la course. Donc oui, c’est surtout un apport de sucres lents à l’avance avant la course, et puis après c’est pendant la course, encore une fois, j’insiste, c’est l’hydratation, et puis des barres énergétiques que vous pouvez utiliser pendant la course.

Maxence Rigottier : Quel serait l’exemple de repas type ?

Charles Aisenberg : L’image est d’arriver chargé à bloc au moment du départ. C’est-à-dire, pas un manque d’eau et pas un manque d’énergie au sens général du terme. Mais la veille du marathon ça va être des pâtes, un tout petit peu de beurre, pas de sauce tomate, pas de gruyère dessus. Essayer de se lever assez tôt le jour du marathon pour avoir un apport alimentaire, plutôt à ce moment-là glucides et protéines, on va dire 2/3 heures avant le départ du marathon, et puis après, c’est des barres énergétiques sur le marathon. Alors pas beaucoup, puisqu’encore une fois on n’arrivera pas à compenser l’utilisation du sucre dans le sang par l’apport alimentaire. Et puis ça peut donner des crampes d’estomac, ça peut poser des problèmes, mais au moins pour avoir un petit apport, pas être trop en déficit de sucre. Et puis ensuite, j’insiste parce que c’est vraiment le plus important, c’est l’hydratation avec une boisson qui est adaptée à l’effort avec du sucre et du sel dedans.

Maxence Rigottier : Merci en tout cas pour ces conseils et toutes les infos que tu nous as donné pour réussir au mieux nos futures courses et surtout ne pas nous blesser

Charles Aisenberg : Avec plaisir.

Maxence Rigottier : Je te remercie une nouvelle fois d’avoir accepté cette interview qui a été très enrichissante et qui permettra pour beaucoup de personnes de répondre à toutes les interrogations qu’ils se posaient.

Charles Aisenberg : C’est le principe en médecine du sport de faire du préventif pour ne pas avoir besoin de faire du curatif et de traiter des blessures.

Maxence Rigottier : Exactement, puisque l’être humain a plus tendance à venir après coup, au lieu de se dire d’essayer de régler le problème en étant préventif juste avant.

Charles Aisenberg : C’est ça.

Maxence Rigottier : OK. Merci Charles une nouvelle fois et je te dis à bientôt.

Charles Aisenberg : Au plaisir et bonnes courses

Maxence Rigottier : Merci.

Charles Aisenberg : Au revoir.

Maxence Rigottier : J’espère que cette interview vous a plu. Partagez-la sur Facebook ou sur Twitter. Par ailleurs, si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser dans les commentaires juste en dessous de cette interview, et je vous dis à très vite pour de nouvelles interviews et pour de nouvelles vidéos. C’était Maxence Rigottier de blog course a pied. A bientôt.

N’hésitez pas à poser toutes vos questions à Charles Aisenberg et laissez-moi vos impressions sur cette interview dans les commentaires du blog ! :)

Maxence Rigottier

Maxence Rigottier

4 Commentaires

  •    Répondre

    INterview très intéressante ;
    Pour éviter les blessures encourse à pied, les entrainements croisés en vélo et natation sont très bénéfiques car pas de choc.
    A bientôt
    Karine

  •    Répondre

    Salut Maxence

    Vraiment intéressant tes Interviews, vraiment!

    Je retiens que je dois privilégier la récupération pour éviter les douleurs (petites) à l’arrière des mollets.
    C’est vrai aussi que je ne bois pas en courant et je ne transpire pas des masses non plus. J’emmènerai bien une bouteille avec moi, mais où la ranger? Je sens qu’elle va m’emmerder sur moi!!!
    Le type de boisson conseillé m’a surpris aussi; j’ai toujours cru que l’eau était le meilleur déshydratant. Il faut que j’essaie ce mélange jus de raisin, eau et …sel?
    Bon et j’ai eu un peu de mal à suivre les histoire de relief osseux, de supination et je ne sais plus quoi ^^ Mais c’est pas très grave parce que j’ai l’intention d’aller voir mon médecin dans quelques semaines, quand j’aurai un plus testé mon organisme, pour avoir son avis sur mes « exploits » de sportifs tardifs.
    Je terminerai par dire que c’est vraiment frustrant de se limiter à 2 séances de courses par semaines, mais c’est ça où la blessure, donc pas le choix! Quelques fois j’alterne par des séances de bancs de musculations histoire de ne pas faire travailler les mêmes muscles, mais c’est pas pareil.
    La course, c’est vraiment le pied, il aura fallu que j’arrive à la cinquantaine pour découvrir ça; mais mieux vaut tard que jamais…

    @++

    • salut Stéphane,

      Parfait si l’interview t’a plu. :)
      L’eau est le meilleur déshydratant. Toutefois, à partir
      d’une distance supérieur à 10km, l’eau ne suffit plus
      si l’on ne veut pas avoir de crampes

      Je comprends que tu ais envie de courir énormément. Toutefois,
      préserve ta motivation pour les mois et les années à venir et tu pourras courir
      4 fois par semaine ou plus si tu le désires.

      Par rapport à ta bouteille d’eau, il existe des petits sacs avec
      des poches ou l’on peut mettre de l’eau et ou l’on boit
      avec un petit tuyau. Je n’ai jamais utilisé ce système car je ne
      cours pas de semi-marathon ou de marathon. ;)

      A très vite et continue de prendre du plaisir en courant.
      Je confirme, mieux vaut tard que jamais pour courir ou se lancer
      dans un projet. :)

      A+

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